Plusieurs symptômes sont susceptibles de caractériser l’anorexie nerveuse ou mentale. Parmi ces symptômes, nous retrouvons l’impossibilité de maintenir le poids corporel à une valeur plus ou moins « normale », la peur de prendre du poids ainsi qu’une altération significative de la perception de son propre corps.
De nombreux facteurs sociaux et psychologiques sont impliqués dans la genèse de cette maladie. Souvent, la maladie touche des personnes qui ont eu ou qui ont encore des relations perturbées avec leur entourage. Des relations perturbées avec son entourage peuvent parfois entraîner la dérégulation du système nerveux et engendrer des comportements susceptibles d’être caractérisés comme anorexiques.
Le plus souvent, la maladie touche des personnes âgées de 15 ans environ, des adolescent.es. Dans beaucoup de situations, ces personnes sont dans une recherche d’indépendance ou d’autonomie sociale, sexuelle ou affective.
Parfois le manque d’autonomie et de confiance en soi, poussent des personnes qui traversent une période difficile à substituer leurs problèmes relationnels par des obsessions alimentaires, corporelles ou pondérales. Ces obsessions peuvent traduire une volonté de contrôle permanent et rigide du poids, de l’alimentation et de l’image corporelle. L’impression de pouvoir se contrôler et de s’affirmer en tant qu’individu.
En tant que psychanalyste et art-thérapeute, je travaille aussi bien avec les adolescent.es traversant cette période difficile de leur vie et désireux de s'en sortir, qu'avec les adultes pour qui les traumatismes, faisant désormais partie de leur mémoire, ont été transformés en des traces mnésiques pouvant handicaper leur quotidien.
Méfions-nous de la vitesse
Si vous êtes en mode survie, si votre système nerveux est déréglé, si beaucoup de choses vous angoissent dans votre quotidien, vous aurez très probablement envie de sortir de ces tourments très rapidement. C’est tout à fait compréhensible et légitime.
Si ces angoisses ou ce mal-être psychique sont liés à un stress chronique ou à des événements traumatiques, si ces angoisses sont présentes depuis longtemps, peu importe que vous en connaissiez les origines ou non, si vous êtes fatigué.es face à des espoirs déçus, vous aurez encore plus envie d'un changement très rapide. Une fois de plus, c’est tout à fait compréhensible et légitime.
Vous avez envie que les choses changent autour de vous, d'avoir moins d'inquiétudes ou d'angoisses, d'accéder à une vie abondante et sereine, de respirer normalement, de dormir et de manger de manière équilibrée... et tout cela très rapidement. Cela se comprend. Vous avez envie de guérir rapidement pour profiter au plus vite de tout ce que la vie a de plus beau à offrir. Tout cela est très sain. Mais attention.
Méfions-nous de la vitesse et méfions-nous également de ceux qui vendent, dans une logique financière, un travail sur soi rapide et efficace. L’abondance, la gratitude, le positivisme, la bonne humeur permanente, la reconnaissance… autant de valeurs qui font du bien quand on les lit, mais qui peuvent devenir des injonctions sociales créant par la même des sentiments de culpabilité, du fait de ne pas y arriver. Non, il n’est pas donné à tout le monde d’adopter toutes ces attitudes, moins encore aux patient.es qui ont subi des événements traumatisants.
Les bienfaits de la lenteur
Prendre soin de soi et s'engager dans un processus thérapeutique est un travail qui exige de la lenteur. Je sais que ce n'est pas un mot très en vogue en ce moment et que beaucoup de personnes qui lisent ce texte pourraient, à ce stade, décider de ne pas poursuivre leur lecture à cause de ce mot qui peut susciter des appréhensions. Je m'autorise à l'utiliser parce que je ne veux pas faire de fausses promesses ici. Travailler rapidement dans des situations où il y a une grande souffrance liée à des traumatismes aigus n'a jamais donné de bons résultats et peut même être dangereux. Il ne s'agit pas de répondre aux tensions intérieures par des idées miraculeuses et des concepts bien emballés sur la question de l'épanouissement individuel. Il s'agit d'écouter ses émotions sans peur, de les interroger, de prendre le temps de construire son "soi" et d’avancer tranquillement.
Existe-t-il d'autres alternatives à l'acte de "se faire vomir" ?
Dans les troubles des conduites alimentaires, souvent le corps est perçu comme l'élément morbide par celui ou celle qui en souffre. L'accent mis par la société sur la minceur et l'exercice physique renforce cette obsession de maigrir chez les patient.es souffrant d'anorexie, comme s'ils avaient besoin de tout évacuer pour exister à nouveau. Ce besoin, serait-il une illusion ?
L'habitude de "se faire vomir" est souvent une tentative intime de se débarrasser de ce qui est perçu comme négatif chez les personnes souffrant de troubles des conduites alimentaires. Cette volonté est précieuse, mais existe-t-il d'autres façons de l'appréhender sans maltraiter son corps ?
Autant de questions qui ne sont jamais posées de manière consciente mais qui pourtant existent bel et bien dans l'esprit de ceux et celles qui souffrent de troubles alimentaires. Mon travail consiste à écouter toutes ces questions indicibles et à permettre aux personnes souffrantes de les aborder sans crainte ni injonction.